Barque échouée
Anatole Le Braz
Barque échouée au bord des rivages bretons,
J'ai désappris l'essor de mes jeunes sillages
Et laissé, sur mes flancs, se nouer en festons
Vos scalps souillés d'écume, ô goémons des plages.
Il ne m'importe plus si d'autres les refont,
Mes croisières d'antan, mes belles odyssées ;
Promise au lent trépas des carènes blessées,
J'abandonne le large à celles qui s'en vont.
Ni l'aile des courlis que le matin soulève,
Ni l'émoi de la mer sous un vierge soleil
Ne peuvent, dans mon être à la tombe pareil,
Faire sourdre un regret ou tressaillir un rêve.
Je vois partir mes soeurs à la pointe du jour,
Je les vois revenir aux premières étoiles,
Sans envier le chant que gonflent dans leurs toiles
La fièvre du départ et l'orgueil du retour.
Anatole Le Braz