Dimanches parisiens
Ephraim Mikhael



Sous le ciel gris lavé d'opale
Et qu'un soleil aux rayons lents
Poudre d'or vaporeux et pâle,
Elles vont it pas nonchalants ;

Roses de froid sous les voilettes
Elles passent, laissant dans l'air
Une senteur de violettes
Mourantes, et de blonde chair.

*
**

Elles ne vont ni vers l'église
Où, sur les mystiques autels,
L'encens qui monte symbolise
L'élan des esprits immortels ;

Ni vers les discrètes alcôves
Où le mousseux déroulement
Des rideaux jusqu'aux tapis fauves
Ruisselle langoureusement.

Sur les promenades banales
Elles vont montrer leurs velours
Et les richesses hivernales
Des manteaux orgueilleux et lourds.

Elles passent, frêles poupées
Aux yeux cruellement sereins,
Adorablement occupées
A bien cambrer leurs souples reins,

A faire entrevoir leur chair d'ambre
Et leurs cheveux d'or blond ou roux,
Et, sur le verglas de Décembre,
Leur robe a de royaux froufrous.

Mais le long dimanche, plus triste
Que les plus monotones nuits,
Dans leurs yeux de froide améthyste
A mis la fièvre des ennuis.

*
**

Ô Promeneuses des jours blêmes
D'hiver et des dimanches longs,
Nous, les chiffonneurs de poèmes,
Mignonnes, nous vous ressemblons,

Et, sans Amour et sans Prières,
Nous allons montrer, indolents,
Notre manteau de Rimes fières
Qui fait des froufrous insolents.

Mais un Ennui vague ensommeille
Notre marche lente à travers
Une vie égale, et pareille
Aux dimanches gris des hivers.


  


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