Les vieux papillons
Jean Richepin
Un mois s'ensauve, un autre arrive.
Le temps court comme un lévrier.
Déjà le roux genévrier
A grisé la première grive.
Bon soleil, laissez-vous prier,
Faites l'aumône !
Donnez pour un sou de rayons.
Faites l'aumône
A deux pauvres vieux papillons.
La poudre d'or qui nous décore
N'a pas perdu toutes couleurs,
Et malgré l'averse et ses pleurs
Nous aimerions à faire encore
Un petit tour parmi les fleurs.
Faites l'aumône !
Donnez pour un sou de rayons.
Faites l'aumône
A deux pauvres vieux papillons.
Qu'un bout de soleil aiguillonne
Et chauffe notre corps tremblant,
On verra le papillon blanc
Baiser sa blanche papillonne,
Papillonner papillolant.
Faites l'aumône !
Donnez pour un sou de rayons.
Faites l'aumône
A deux pauvres vieux papillons.
Mais, hélas ! les vents ironiques
Emportent notre aile en lambeaux.
Ah ! du moins, loin des escarbots,
Ô violettes véroniques,
Servez à nos coeurs de tombeaux.
Faites l'aumône !
Gardez-nous des vers, des grillons.
Faites l'aumône
A deux pauvres vieux papillons.
Jean Richepin