Réveil
Theodore Agrippa D Aubigne



Arrière de moi vains mensonges,
Veillants et agréables songes,
Laissez-moi, que je dorme en paix :
Car bien que vous soyez frivoles,
C'est de vous qu'on vient aux paroles,
Et des paroles aux effets.

Voyez au jardin les pensées
De trois violets nuancées,
Du fond rayonne un beau soleil :
Voilà bien des miennes l'image,
Sans odeur, sans fruit, sans usage,
Et ne plaisent qu'un jour à l'oeil ;

Ce n'est qu'Amour en l'apparence,
Ce n'est qu'une verte espérance,
Que rayons et vives clartés :
Mais cette espérance est trop vaine,
Ce plaisir ne produit que peine,
Et ses rayons obscurités.

Mes désirs s'envolent sans cesse
De la fureur à la finesse,
Le milieu est des coeurs bénins :
On peint la Chimère de même,
On lui donne à ses deux extrêmes
Ou les lions, ou les venins.

Ce qui se digère par l'homme
Se fait puant ; voyez-vous comme
C'est un dangereux animal,
Changeant le bien en son contraire :
Car ce qui est vain à bien faire,
Ne l'est pas à faire du mal.


  


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